Le chameau et l’aiguille: y a-t-il une erreur de traduction dans les Evangiles?
CHRONIQUE. «Il est plus facile à un chameau…»: même si vous n’allez pas souvent à la messe, vous avez déjà entendu cette formule. Mais est-ce qu’elle résulte d’une incompréhension?
Traduttore, traditore
Cet été, «Le Temps» voyage à travers quelques erreurs de traductions – plus ou moins conséquentes – qui ont façonné notre monde, de l'araméen biblique au français fédéral. Découvrir la série
Avez-vous déjà essayé de faire rentrer la moutarde dans son tube? C’est rigoureusement impossible. Pourtant, l’Evangile selon Matthieu propose encore plus difficile (et c’est le Christ lui-même qui lance le défi): «Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu» (Mt, 19, 24). Certes, rien n’est impossible à Dieu, mais pourquoi s’en prendre ainsi à cette pauvre bête? Pour faire surréaliste deux mille ans avant André Breton?
Origène au IIe siècle, puis Cyrille d’Alexandrie au Ve, s’étaient émus de l’incongruité de l’image. Ibn Abbas (619-688), cousin de Mahomet et père de l’exégèse coranique, aussi: «Dieu ne peut pas avoir utilisé une métaphore aussi impropre qu’«un chameau passant par le trou d’une aiguille», écrivait-il – car oui, rappelons que le prophète utilise exactement la même image (sourate 7, verset 40).
Le Temps publie des chroniques, rédigées par des membres de la rédaction ou des personnes extérieures, ainsi que des opinions et tribunes, proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Ces textes reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du média.