Retour sur l’UNRWA, une agence à la dérive en l’absence de son patron
Alors que le commissaire général Pierre Krähenbühl voyage pour récolter les fonds manquants à l’agence de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens, quelques hauts responsables prennent le pouvoir et mettent en danger l’organisation. Ils seront l’objet d’enquêtes menées par l’ONU, jamais rendues publiques
Rappel des faits
«Il n’y a aucun cas de corruption, ni de fraude, ni de mauvaise gestion des financements.» C’est ainsi que Pierre Krähenbühl, commissaire général de l’UNRWA, annonce sa démission, le 6 novembre 2019, expliquant vouloir créer un choc psychologique par cette décision. Cette annonce fait suite à des mois d’enquête menée par l’ONU, déclenchée par un rapport du Département éthique de l’UNRWA, diligenté par Lex Takkenberg. Le 17 décembre 2020, Temps présent diffuse un documentaire révélant que les conclusions de l’enquête de l’ONU concernant Pierre Krähenbühl infirment les principales accusations du rapport Takkenberg, à l’exception de quelques points de management.
Renvoyant à l’ONU, le Département fédéral des affaires étrangères refuse de publier les résultats de l’enquête de cette dernière concernant le Suisse et de se prononcer à son égard. Le Temps a cherché à comprendre les raisons de ce silence. Outre le rapport sur Pierre Krähenbühl, quatre autres rapports concernant des hauts cadres de l’UNRWA ont été réalisés par l’ONU mais n’ont jamais été rendus publics. Au fil de l’enquête, basée sur de nombreux témoignages directs et documents, une image complexe de la crise à l’UNRWA est apparue.
Depuis la parution de notre premier volet, de nouveaux faits ont été portés à notre connaissance, retardant la publication des éléments suivants, que voici.
En l’absence de Pierre Krähenbühl, occupé par ses nombreux voyages dès son entrée en fonction en 2014, va croître le rôle de la commissaire générale adjointe américaine, Sandra Mitchell (entrée en fonction en janvier 2015), ainsi que de Hakam Shahwan, propulsé «chief of staff». Tous deux se connaissent bien. Ils ont notamment été ensemble en poste à Bagdad. Ils seront bientôt pratiquement les seuls maîtres à bord, la première à Amman, le second à Jérusalem. «Au-dessus de Mitchell et de Shahwan, il n’y a personne d’autre. Il n’y a plus que le ciel»: la formule devient le code de ralliement de ceux qui se sentent mis sur le côté dans la configuration qui s’est mise en place.
Hakam Shahwan est Palestinien. Il possède notamment un restaurant à Jérusalem, exerce des activités à Amman, et il sait faire fructifier son business en jouant de ses contacts. «Les conflits d’intérêts sautaient aux yeux», dit un haut responsable de l’UNRWA.