Migration proposée
L’argument d’un système de gestion centralisé avec des fichiers hébergés en Suisse n’a pas porté. Et les consommateurs helvétiques n’ont pas vu l’utilité de ce système – malgré le stockage des données en Suisse. Ils préfèrent aussi sans doute utiliser des solutions américaines pour leurs fichiers en ligne – Microsoft, Dropbox, Google ou Amazon proposent tous des offres de ce type dans des écosystèmes complets. Les entreprises, telles que des émetteurs de cartes de crédit, des services industriels ou des assurances, n’ont sans doute pas non plus voulu collaborer avec Docsafe. Contacté, l’opérateur ne fournit pas d’informations à ce sujet.
Aujourd’hui, Swisscom incite ses clients à utiliser son service de stockage MyCloud, qui permet de sauvegarder, lui, tout type de fichiers, comme des photos. L’opérateur offre un espace de stockage de 10 Go gratuitement pour tous, et se montre plus généreux avec ses clients, et encore davantage avec ceux qui acceptent de payer un supplément. Swisscom ne communiquant aucun chiffre à ce sujet, difficile de dire si ces offres intéressent beaucoup de consommateurs helvétiques.
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Le précédent iO
Cet échec est similaire à celui de la messagerie iO. En 2013, Swisscom lance une app pour smartphone permettant de s’envoyer des messages, de partager des photos et de passer des appels, le tout via internet. WhatsApp est déjà bien établi, mais l’opérateur suisse tente sa chance, en mettant en avant la «suissitude» de son app, et la possibilité, aussi, de contourner les frais de roaming. Mais en 2017, l’opérateur débranche iO, qui n’a pas trouvé son public.
Roger Wüthrich-Hasenböhler, responsable des activités numériques chez Swisscom, fait alors un constat amer: en 2013, affirme-t-il, «pour la plupart des clients privés, la conservation des données en Suisse n’était pas encore un argument pour transférer leur communication vers une autre plateforme».
Attention à la vidéo
Ces deux échecs révèlent plusieurs choses. D’abord, que de très nombreux consommateurs suisses ne privilégient pas forcément un prestataire helvétique pour leurs données ou leurs communications, et qu’utiliser des systèmes de Google ou de Microsoft convient à l’immense majorité d’entre eux. Ensuite, que la question du timing est très importante. Si Docsafe avait été lancé plus tôt, si iO avait été lancé plus tard, peut-être auraient-ils réussi. Car des solutions suisses peuvent percer: on voit aujourd’hui le succès de l’app suisse payante Threema, qui profite de l’affaire du transfert de données de WhatsApp vers Facebook. On voit aussi le succès de la messagerie ProtonMail et des services cloud d’Infomaniak.
Contrer les géants de la tech est très difficile, comme le montrent les expériences de Swisscom. Mais ce n’est pas impossible. Et aujourd’hui, l’opérateur doit faire attention à une chose: que les offres de streaming des géants américains, tels Netflix, ne viennent pas concurrencer trop fortement ses propres offres vidéo Blue TV…