Publicité

Mais qui parle de sauver nos retraites?

Il faut aussi sauver les jeunes générations! La question des retraites, c’est un peu l’arche de Noé des temps modernes. Mais comment choisir qui sauver? Eh bien justement: la question ne se pose pas, il faut sauver tout le monde de la noyade. Mais avec le temps qui passe et les réformes qui se dispersent, la barque se remplit. Inexorablement

Agrandir l'image Une prise de conscience favorisera le sauvetage des retraites des jeunes générations.  — © Jasmin Merdan / Getty Images
Une prise de conscience favorisera le sauvetage des retraites des jeunes générations.  — © Jasmin Merdan / Getty Images

A l’heure actuelle, avec un taux de conversion du capital en rentes viagères de 6,8%, c’est un peu plus de 36% de supplément qui est transféré des actifs vers les rentiers à chaque nouvelle retraite. Il s’agit du renforcement nécessaire du capital lors du départ à la retraite pour garantir qu’une somme suffisante sera réservée par la caisse de pension pour couvrir le montant de la rente qui sera versée durant toute sa vie au nouveau retraité et à son conjoint. Cette somme est soustraite des montants disponibles pour attribuer des intérêts sur le compte d’épargne des assurés actifs. C’est à ce stade qu’intervient l’image de l’arche de Noé, car il y aura un moment où la barque risque d’être pleine et où les actifs ne seront plus en mesure de financer ce déséquilibre. Ils bénéficient actuellement d’un taux d’intérêt selon la LPP de 1%, alors que celui qui correspond à un taux de conversion de 6,8% se situe proche de 4,5% pour les retraités, le déséquilibre est significatif. Si des solutions permettant de ramener le 2e pilier à sa construction d’origine ne sont pas rapidement mises en œuvre – la barque étant d’envergure, écoper l’eau ne suffira pas – le transfert des actifs en direction des retraités aura pénalisé toute une génération de la population qui devra ensuite supporter des coupes encore plus conséquentes sur les retraites.

Dans un système qui se construit par capitalisation, 1% d’intérêt supplémentaire durant toute une vie active représente environ 25% de capital supplémentaire à la retraite. Mais l’inverse est également vrai. En demandant aux actifs de financer l’excédent de capital nécessaire pour assurer les départs à la retraite avec des taux de conversion trop élevés – ce qu’on appelle le transfert des actifs vers les retraités –, c’est le capital des actifs qui est amputé.

Et la population suisse vieillit. En 1941, dans le contexte des discussions pour l’introduction de la future AVS, une proportion de 13% de la population dépassant 60 ans avait été mesurée. En 2020, elle est proche de 20%. L’OCDE a par ailleurs constaté qu’avec l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom et la baisse de la natalité, la hausse de ce taux s’accélère. Depuis 2015: le nombre de personnes atteignant l’âge de la retraite dépasse celui des jeunes adultes qui fêtent leurs 20 ans. Ces données amènent l’Office fédéral de la statistique à envisager un rapport de deux personnes pour un retraité en 2045. Bien que la perspective semble encore lointaine, ce phénomène reste néanmoins un des défis pour le financement des retraites: de moins en moins d’actifs pour de plus en plus de retraités. Et puis, en 2045, ce sont les personnes aujourd’hui âgées de 42 ans qui arriveront à la retraite. Une génération actuellement en pleine activité professionnelle à qui l’on ne peut demander, sans entrer dans un conflit de générations, de financer des retraites actuelles qu’ils ne pourront pas obtenir eux-mêmes.

On peut écoper, mais pas longtemps

Des réformes sont en discussion au parlement, aussi bien sur l’AVS que sur la LPP. Laissons ces discussions faire leur chemin et cherchons d’ores et déjà d’autres pistes de réflexion, quitte à sortir du cadre, pour ne sacrifier aucune génération.

Et si on travaillait tous (un peu) plus longtemps?

Le dilemme entre plus de temps libre et plus de salaire a orienté la réflexion sur le temps de travail. A l’avenir, il faudra se positionner sur une autre question: «Tu préfères plus de rente ou une durée de retraite plus longue?»

Depuis 1948 et l’instauration de l’AVS, l’âge de la retraite des hommes est resté fixé à 65 ans alors que celui des femmes, au départ de 65 ans, puis abaissé à 62 ans, a fini par remonter à 64 ans dès 2005. Il n’y a pas que l’espérance de vie qui a augmenté entre 1948 et la période actuelle. Les besoins financiers ont également progressé pour couvrir des coûts associés à la qualité de vie, avec, par exemple, le goût des voyages ou l’accès aux outils électroniques – en termes de matériel ou d’abonnement – dont les jeunes retraités ne voudront pas se priver. Le choix du maintien du niveau de la rente semble s’imposer, il faut donc accepter de sacrifier un peu de la durée de la retraite.

Offrir vraiment le choix entre une rente plus élevée et une retraite plus longue existe

Le dilemme entre une rente plus élevée et une retraite plus longue trouve toutefois pleinement sa place dans la flexibilisation du départ à la retraite, entre 60 et 70 ans. Le choix n’est pas nouveau, il faisait partie du projet Prévoyance Vieillesse 2020 rejeté par le peuple. Il représente pourtant une opportunité.

Les parcours privés et professionnels sont différents et de nombreux motifs conduisent certaines personnes à partir en retraite à 60 ans alors que d’autres travailleraient volontiers jusqu’à 70 ans. Toutefois, peu d’entreprises conservent leurs collaborateurs au-delà de l’âge fixé par l’AVS. La première étape de la flexibilisation passe donc par une révision de la notion de l’âge de la retraite inscrite dans l’AVS et la suppression de la barrière psychologique de 65 ans.

Mais le marché du travail est-il prêt à supporter la prolongation de l’activité, alors que l’on sait que pour travailler jusqu’à l’âge de la retraite, il vaut mieux ne pas perdre son emploi à partir d’un certain âge. La riche expérience des travailleurs âgés devrait contrebalancer d’autres inconvénients associés à leur vieillissement et le fait qu’ils disposent de compétences pointues rend le maintien de leur activité au-delà de l’âge légal très profitable pour l’entreprise. Malheureusement, en réalité, seule une tranche assez limitée de la population est concernée, ce qui ne permet pas de s’enthousiasmer face à ces affirmations en termes de solutions pour l’avenir des retraites.

Par contre, le fait d’encourager ceux qui en ont les moyens à prendre une retraite à 60 ans libère des postes de travail et allège le marché de l’emploi. Cette population a besoin d’un cadre légal flexible pour les retraites, mais sans apports de ressources de compensation. Ce même cadre flexible s’applique à la catégorie de personnes actives dans des postes qui permettent de poursuivre l’activité au-delà de 65 ans, mais pour lesquels il faut simplement supprimer la barrière psychologique d’un âge limite inscrit dans la loi.

Augmenter l’employabilité des personnes entre 60 et 70 ans

La prolongation de l’activité professionnelle au-delà de 65 ans passe avant tout par la volonté des employeurs de conserver cette tranche d’âge active. Si l’entreprise peine à y trouver des avantages, alors il faut lui en donner! La valorisation des entreprises attentives au marché du travail n’a pas encore fait l’objet de mesures particulières en Suisse. Il s’agirait par exemple de favoriser, par des avantages à définir, mais la fiscalité semble l’un d’eux, les entreprises qui emploient des travailleurs qualifiés d’âgés. Ceux-ci pourraient être affectés à la formation, permettant d’atteindre le double objectif de l’augmentation de l’employabilité des personnes entre 60 et 70 ans et de l’insertion des jeunes dans la première activité professionnelle. Cela n’est qu’une piste sortant des schémas actuels. Mais le couple de l’augmentation de l’âge de la retraite et du marché du travail dans les dernières années d’activité semble indissociable.

Renforcer la responsabilité individuelle en matière de retraite

Le 2e pilier a ceci de confortable qu’il donne l’impression que tout est réglé sur le plan financier, une fois l’âge de la retraite atteint. C’est faux. Heureusement, il semble que les jeunes générations l’aient compris, d’après ce que nous montrent de récents sondages. Il est important, à l’heure de cette prise de conscience, d’offrir à cette tranche de la population des opportunités de se constituer un bas de laine. L’encouragement à la prévoyance individuelle pourrait passer par des avantages fiscaux supplémentaires ciblés sur l’épargne des jeunes, sur le principe des petites rivières qui feront de grands fleuves.

Dans tous les cas, la prise de conscience favorisera le sauvetage des retraites des jeunes générations.